Lettres d’amour (en vrac)
Les lettres ne savent pas toujours former des mots.
N
un étang
des pêcheurs
un sous-bois
une noce improvisée
deux cœurs qui battent si fort
qu’ils font fuir les poissons
des promesses des rires des rêves à voix haute
et puis plus rien
l’enfance qui s’éloigne et plus rien
G
tu tirais sur la corde
et ça faisait très beaucoup mal
la douleur a empiré
quand la corde s’est cassée
A
l’absence
ce n’est rien ni personne
c’est le vide enrobé de vide
alors comment fait-elle
pour peser autant
pour prendre tant de place ?
D
j’ai visité ton musée
et je ne t’y ai pas trouvée
c’est en rentrant chez moi
que l’évidence m’a frappé
de salle en salle
de chef-d’œuvre en chef-d’œuvre
c’est toi que j’avais visitée
tu as dû bien t’en amuser
F
il fallait être ensemble
il fallait partager
secourir câliner
dans un sens ou dans l’autre
il fallait de l’amour
à la je-prends-je-donne
puis il ne fallut plus
alors on s’éclipsa
on reprit le chemin
où on l’avait laissé
ma solitude et moi
bras dessus bras dessous
V
« Ni vous, ni votre art, monsieur. », écrivait Laforgue ¹. Toi, tu as pris l’art mais pas le monsieur. Je me réjouis que tu aies fait le bon choix.
M
je pourrais te sanctifier
si j’avais une religion
toi qui n’excusais rien et qui pardonnais tout
te comprendre c’était me comprendre
tu ne m’as peut-être pas sauvé
mais tu m’as fait grandir
E
elle me rendit fou
je la rendis folle
et pour notre bonheur
on refusa de nous soigner
À compléter, peut-être, au gré des lettres retrouvées dans les cartons de ma mémoire (qui déménage souvent)…
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1. Jules Laforgue, Complainte des blackboulés (1885)
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